Fort de sept outlets répartis entre régions et Île-de-France, avec Troyes, Talange (Metz) et Romans (Valence) d’un côté, Franconville, Corbeil-Essonnes, Aubergenville et l’Île-Saint- Denis de l’autre, Marques Avenue a pu jauger des différentes réactions des consommateurs à la crise sanitaire. Pour son directeur général Zakari Leriche, l’outlet était naturellement avantagé par rapport à d’autres modèles, conciliant économie et surreprésentation des secteurs stars de l’année (enfant, sport, maison…). Mais le gestionnaire voit aussi reculer la flânerie au profit d’achats préparés et ciblés.
FashionNetwork.com : Quel est votre bilan de l’exercice 2020 ?
Zakari Leriche (Marques Avenue) : Le bilan est évidemment contrasté. Le point positif que l’on peut tirer est que les consommateurs sont revenus nombreux, et ont privilégié un canal de vente physique qui est l’outlet. Nous en avons plutôt bien profité. Mais de l’autre côté il y a une crise immobilière qui est profonde, une série de disparitions de marques nationales reconnues, des développements évidemment ralentis. Si, nous partageons sur certains points le pessimisme du marché, nous avons aussi l’optimisme généré par le succès qu’ont connu les outlets à l’occasion de cette crise.
Je pense que les outlets répondent à deux injonctions contradictoires, dans cette crise. Il y a eu d’un côté une volonté de faire des économies en 2020, avec une épargne privilégiée même si le pouvoir d’achat s’est maintenu. Mais il y a aussi eu d’un autre côté une envie et un besoin de se faire plaisir. À ceci s’ajoutent d’autres éléments comme le fait qu’il faille habiller les enfants, qui ont grandi, s’équiper pour suivre ses bonnes résolutions en termes de sport, ou renouveler son linge de maison…. Pour allier ces deux points, ce besoin et cette nécessité d’économiser, il fallait faire un choix, et les outlets se sont imposés.
FNW : Quels secteurs ont connu les meilleurs résultats avec le recul ?
ZL : Le prêt-à-porter et la chaussure ont baissé. La saison des mariages a été loupée, il y a moins de sorties à cause de la fermeture des restaurants et loisirs, donc il y avait moins de raison de s’habiller. Le télétravail a accentué cette tendance. En revanche, nous avons vu des progressions très très importantes sur des secteurs comme le sport, le linge de maison, l’art de la table et l’enfant. Certaines marques ont mieux vendu en 2020 qu’en 2019. C’était donc une vraie tendance de fond. Et là où les outlets étaient avantagés, c’est que ces secteurs, par défaut, prédominent dans les villages de marques. Et cela a beaucoup aidé à faire revenir les gens après les confinements.
En termes de panier moyen, on a vu qu’il y a eu peu de flânerie et beaucoup de déplacements réfléchis, avec une volonté de rentabiliser le déplacement. Cela s’est traduit par des hausses de 25% des paniers en moyenne. Les gens étaient moins nombreux mais ils ne venaient pas par hasard.
FNW : Avez-vous observé des disparités selon vos centres ?
ZL : D’une façon générale, le réseau a plutôt bien «performé», avec une baisse limitée à 3% en comparable. En revanche, les sites de province ont davantage fonctionné que les sites d’île-de-France. Le site de Romans a réalisé une hausse de 6% du chiffre d’affaires à calendrier comparable (moins les trois mois de confinement, ndlr) et à périmètre comparable, c’est à dire sans prendre en compte les nouvelles boutiques et pop-up store. Le site de Talange (Metz) est lui à +1%. En Île-de-France, les sites ont été impactés par l’absence de la clientèle de bureau qui, étant en télétravail, ne passait plus le midi ou dans la soirée.
Un autre facteur différenciant est que nos sites de province sont davantage des sites à ciel ouvert et taille humaine. Ce qui est plus réconfortant pour certains consommateurs, qui y trouvent l’occasion de faire des achats loin de la foule des agglomérations. Les chiffres de l’année traduisent aussi l’impact du raccourcissement des soldes d’hiver, qui nous a vraiment impactés en février. Et dès mars, la crainte sanitaire montant, les gens sont restés chez eux en attendant que quelque chose se décide. Nous avons ensuite fait une saison estivale record. Grâce aux touristes français, qui sont restés dans le pays et ont trouvé un outlet près de leur villégiature. Puis en octobre, nouvelle baisse alors que les perspectives sanitaires s’assombrissaient. Avant un mois de décembre à +13%.
FNW : Les confinements ont mis la numérisation au coeur des priorités du commerce. Comment cela s’est-il traduit pour vous ?
ZL : Internet avait un avantage quand les commerces étaient vraiment fermés. En revanche, on a vu dès les déconfinements que les gens revenaient sur les lieux physiques. Comme s’il y avait un besoin de visiter les boutiques, toucher les produits… Le digital n’a donc pas tout à fait supplanté le commerce physique. La catégorie de produit joue aussi un rôle. Habiller les enfants en magasin peut difficilement être supplanté par le digital. D’ailleurs, on voit des acteurs du digital se trouver des chemins vers le commerce physique. Et c’est notre rôle d’aller chercher ces pure-players. Ça a notamment été le cas cette année avec la DNVB Emma & Chloé, dont le concept de bijoux est né sur Internet. On en arrive donc à une certaine complémentarité.
Concernant notre digitalisation, l’année 2020 nous a montré l’importance d’essayer ou d’avoir du conseil. Phone&Collect, Click&Collect et autres passerelles ont été mis en place durant la fermeture des centres, et en particulier pendant le deuxième confinement. Demain, il faudrait inscrire tous ces services sur le long terme, afin que l’on puisse retirer ses commandes, ou essayer en magasin puis se faire livrer. Et, pour aller plus loin, faire en sorte qu’une partie de l’offre soit disponible en e-commerce. C’est le projet que nous avons pour l’année 2021. Je pense que les consommateurs doivent aujourd’hui faire des choix. Il faut donc multiplier les possibilités que nous leur offrons.
FNW : Ce projet ne se heurte-t’il pas au retard pris dans l’unification des stocks web/boutiques par les enseignes ?
ZL : Le gros problème est là. L’écueil n’est pas la solution digitale ou logistique, mais le stock lui-même, et la façon dont un acteur comme Marques Avenue puisse avoir accès à ces stocks et mettre ses enseignes autour de la table. Mais nous avançons en ce sens assez vite. Les marques elles-mêmes nous aident en ce sens avec leurs solutions digitales. Les grandes marques qui ont déjà une boutique en ligne ont malgré tout besoin de continuer à diversifier leurs canaux, toucher d’autres types de clientèles. Et en face nous avons aussi des enseignes n’ayant pas de fenêtre sur Internet, et qui pourraient y accéder via un acteur comme Marques Avenue. Il y a là pour moi un marché pour ces sites Internet s’inscrivant en complément de l’expérience physique que nous proposons déjà.
FNW : Votre réseau s’est réduit avec le départ de La Séguinière (Bordeaux), dont vous aviez la charge…
ZL : Nous travaillions avec notre partenaire Klépierre sur ce site. L’année 2020 a fait que certaines foncières ont dû regarder de près certains coûts, et ne pouvaient plus s’offrir la prestation Marques Avenue. Je le regrette, évidemment, mais je respecte aussi ces décisions financières et nous souhaitons beaucoup de succès à l’opérateur qui a repris une partie de nos missions, car il s’agit d’un site charmant avec une belle clientèle.
FNW : Vous mentionnez les coûts. Comment avez-vous vécu le bras de fer concernant les loyers commerciaux ?
ZL : De par notre modèle, nous sommes pris entre les investisseurs et foncières d’un côté, et les enseignes de l’autre. Les foncières et investisseurs ont été très impactés, avec des valeurs en décrochages et investissements arrêtés. Avec en face des enseignes dans des situations parfois dramatiques. Il fallait donc trouver le bon compromis entre ces entités. C’était dès le départ très difficile, avec une médiation de Bercy qui a échoué, et remis la responsabilité sur les acteurs. Depuis ont été trouvées des solutions gagnant-gagnant, avec des franchises de loyers ouvertes à toutes les petites entreprises, à tous les restaurateurs, et au-delà des périodes de confinement. Des accords de gré à gré ont été trouvés avec les autres enseignes. Ce qui a rendu le second confinement plus aisé à gérer, car un cadre était en place.
FNW : Quels sont vos projets ?
ZL : Nous allons poursuivre la stratégie initiée par la crise en 2020. L’an passé, nous avons en effet mené une “chasse au développement”. Car nous avons estimé que les enseignes auraient peu de canaux sûrs vers lesquels investir. Et nous avons eu raison: cela a attiré des enseignes qui n’étaient pas présentes en outlet ou chez Marques Avenue. C’est le cas des chausseurs Clergerie, Tamaris, Mimao et Bocage, ou du maroquinier Maison Pourchet. L’année a aussi été l’occasion de renforcer nos partenariats avec Finsbury. Sud Express, Zapa, Saint James… Et nous allons donc continuer sur cette voie. En cherchant particulièrement à surprendre, car on n’attend pas forcément en outlet de belles marques de bijouterie ou maroquinerie.
En termes de développement de sites, après une année de temporisation, nous remettons en marche le projet d’extension du site d’Aubergenville, initialement prévu en 2020. Nous lançons en avril une campagne de communication, pour continuer à avoir une présence positive auprès de nos clients. Avec toujours cette approche un peu ludique concernant ce qu’est un outlet.
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En 2020, les outlets français ont vu leur activité fléchir de 20,2%
Baisse des ventes sensible, mais résilience face à la crise ont caractérisé l’activité 2020 des outlets tricolores. Selon une étude réalisée par la société Narval et commanditée par
le CNCC, leurs ventes ont baissé de 20,2% l’an dernier, tout comme leur fréquentation (- 23,8%), en raison surtout des deux confinements. Mais le rebond s’est à chaque fois fait sentir à la réouverture. Certains centres de marques enregistrant même de belles croissances si l’on exclut les mois de fermeture, comme par exemple The Village situé en Isère (+17%), Honfleur Normandy Outlet (+16%), ou Marques Avenue Romans et Nailloux (+6%).
Sur le plan global, les chiffres d’affaires enregistrés par les outlets français hors confinements affichent un repli de 3,8%, assorti d’une baisse de trafic de 7%. L’été 2020 a été très dynamique pour ces centres affichant des prix barrés, dont certains ont pu compenser dès juillet les pertes enregistrées au printemps. Notamment grâce à de meilleurs taux de transformation, et une fréquentation accrue des vacanciers français, remplaçant quelque peu l’absence des touristes internationaux. L’occasion de faire découvrir le modèle de l’outlet à de nouveaux clients français et locaux, qui n’y avaient jamais mis les pieds.
«Les villages et centres de marques, de par leur configuration en extérieur, mais aussi de par leur échelle réduite, avec des centres de taille modeste (entre 12 000 m2 et 27 000 m2) ont attiré les consommateurs, qui se sont sentis plus en sécurité que dans les centres-villes ou les grands centres commerciaux et sont revenus dès les réouvertures dans une dynamique d’achat immédiat et non de repérage ou de promenade», observe l’étude.
Côté localisation, les pôles shopping situés en périphérie ou en province ont mieux fonctionné que les outlets parisiens. «Les centres transfrontaliers ont également été impactés par les mesures de confinement prises par les pays voisins, parfois même par des fermetures de frontière, souvent décalées dans le temps par rapport à nos propres règlementations sanitaires»
Les achats les plus en vogue dans les centres de marques en 2020 correspondent aux activités plébiscitées par les Français durant les confinements, à savoir le sport, la cuisine et l’aménagement de la maison. Le secteur de l’enfant a également tiré son épingle du jeu selon le dossier du CNCC, tandis que le prêt-à-porter masculin (plombé par le télétravail et l’annulation de la saison des mariages), les chausseurs et la bagagerie ont vu leurs résultats fortement dégradés.
Les enseignes ont eu besoin d’écouler leurs stocks, certaines ayant atteint des niveaux importants au printemps, avec des commandes importantes déjà été validées pour l’année avant la pandémie. Ce qui a été favorable aux outlets, un circuit qui permet aux marques de se délester des produits résiduels. «Les opérateurs ont su répondre et s’adapter aux besoins des enseignes en proposant des baux classiques, mais aussi des pop-ups. La commercialisation a donc été très bonne, avec même parfois l’impossibilité d’accueillir les enseignes dans certains centres faute de place».
De nouveaux entrants sur le créneau du déstockage ont été signalés dans plusieurs centres, à l’instar de Decathlon à L’Usine de Roubaix, ou de Tamaris et Marie Sixtine chez Marques Avenue. Les acteurs luxe ont aussi renforcé leur présence en outlet, avec l’arrivée de Max et Moi, Hugo Boss, Lacoste et Roberto Cavalli à Roppenheim The Style Outlets ou de Hugo Boss, Lacoste, Eric Bompard et Prada à The Village.
En revanche, les défaillances de chaînes importantes comme Un Jour Ailleurs, Kidiliz ou Camaïeu ont concerné plusieurs centres. «La santé des enseignes est une réelle incertitude
et pose beaucoup de questions sur le futur merchandising mix».
On ne connaît pas encore la période d’ouverture du centre Alpes The Style Outlets (piloté par Neinver), prévu à Bellegarde-sur-Valserine – DR
L’étude estime enfin qu’il est peu probable de voir émerger de nouveaux outlets en France, au-delà des projets déjà signés et autorisés (dont les ouvertures sont repoussées), comme Normandy Outlet de Mc Arthur Glenn à Vernon, Designer Outlet Hautmont de JMP Expansion à Hautmont. «Le marché français a toujours connu de fortes barrières à l’entrée mais l’évolution des règlementations en matière d’autorisations commerciales a encore renforcé la difficulté de voir émerger de nouveaux projets».
Les premières perspectives de 2021 sont peu engageantes, l’année débutant avec des «chiffres négatifs», en raison notamment du couvre-feu qui freine le trafic des centres situés loin des villes, nécessitant un trajet important en voiture. «La vision sur l’année est tout à fait incertaine, les mesures sanitaires entraînant des stop and go permanents». Un retour à la normale est espérée pour l’automne, en capitalisant sur le besoin des enseignes de continuer à déstocker.
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